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    Seule avec toi dans ce bocage sombre ?
    Qu'y ferions-nous ? à peine on peut s'y voir.
    Nous sommes bien ! Peux-tu désirer l'ombre ?
    Pour se perdre des yeux c'est bien assez du soir !
    Auprès de toi j'adore la lumière,
    Et quand tes doux regards ne brillent plus sur moi,
    Dès que la nuit a voilé ta chaumière,
    Je me retrouve, en fermant ma paupière,
    Seule avec toi.

    Sûr d'être aimé, quel voeu te trouble encore ?
    Si près du mien, que désire ton coeur ?
    Sans me parler ta tristesse m'implore :
    Ce qu'on voit dans tes yeux n'est donc pas le bonheur ?
    Quel vague objet tourmente ton envie ?
    N'as-tu pas mon serment dans ton sein renfermé ?
    Qui te rendra ta douce paix ravie ?
    Dis ! Quel bonheur peut manquer à ta vie,
    Sûr d'être aimé ?

    Ne parle pas ! Je ne veux pas entendre :
    Je crains tes yeux, ton silence, ta voix.
    N'augmente pas une frayeur si tendre ;
    hélas ! Je ne sais plus m'enfuir comme autrefois,
    Je sens mon âme à la tienne attachée,
    J'entends battre ton coeur qui m'appelle tout bas :
    Heureuse, triste, et sur ton sein penchée,
    Ah ! Si tu veux m'y retenir cachée,
    Ne parle pas !
     
     
    Le soir de Marceline DESBORDES-VALMORE