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  • Forêts d'amour, Forêts de tristesse et de deuil,
    Comme vous endormez nos secrètes blessures,
    Comme vous éventez de vos lentes ramures
    Nos coeurs toujours brûlants de souffrance ou d'orgueil.

    Tous ceux qu'un signe au front marque pour être rois,
    Pâles s'en vont errer sous vos sombres portiques,
    Et, frissonnant au bruit des rameaux prophétiques,
    Écoutent dans la nuit parler de grandes voix.

    Tous ceux que visita la Douleur solennelle,
    Et que n'émeuvent plus les soirs ni les matins,
    Rêvent de s'enfoncer au coeur des vieux sapins,
    Et de coucher leur vie à leur ombre éternelle.

    Salut à vous, grands bois à la cime sonore,
    Vous où, la nuit, s'atteste une divinité,
    Vous qu'un frisson parcourt sous le ciel argenté,
    En entendant hennir les chevaux de l'Aurore.

    Salut à vous, grands bois profonds et gémissants,
    Fils très bons et très doux et très beaux de la Terre,
    Vous par qui le vieux coeur humain se régénère,
    Ivre de croire encore à ses instincts puissants :

    Hêtres, charmes, bouleaux, vieux troncs couverts d'écailles,
    Piliers géants tordant des hydres à vos pieds,
    Vous qui tentez la foudre avec vos fronts altiers,
    Chênes de cinq cents ans tout labourés d'entailles,

    Vivez toujours puissants et toujours rajeunis ;
    Déployez vos rameaux, accroissez votre écorce
    Et versez-nous la paix, la sagesse et la force,
    Grands ancêtres par qui les hommes sont bénis.
     
     
     
     
    Forets d'Albert Samain

  • On dirait ton regard d'une vapeur couvert ;
    Ton oeil mystérieux
    Alternativement tendre, rêveur, cruel,
    Réfléchit l'indolence et la pâleur du ciel.

    Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés,
    Qui font se fondre en pleurs les coeurs ensorcelés,
    Quand, agités d'un mal inconnu qui les tord,
    Les nerfs trop éveillés raillent l'esprit qui dort.

    Tu ressembles parfois à ces beaux horizons
    Qu'allument les soleils des brumeuses saisons...
    Comme tu resplendis, paysage mouillé
    Qu'enflamment les rayons tombant d'un ciel brouillé !

    Ô femme dangereuse, ô séduisants climats !
    Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas,
    Et saurai-je tirer de l'implacable hiver
    Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ...
     
     
    Ciel brouillé de Charles Baudelaire




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